La consommation des boissons frelatées et contrefaites en Côte d’Ivoire ou comment on côtoie la mort au quotidien 

Article : La consommation des boissons frelatées et contrefaites en Côte d’Ivoire ou comment on côtoie la mort au quotidien 
Crédit: Moi-même
24 février 2023

La consommation des boissons frelatées et contrefaites en Côte d’Ivoire ou comment on côtoie la mort au quotidien 

La Côte d’Ivoire fait face à un fléau qui est celui de la consommation abusive d’alcools frelatés par la population. Cela n’est pas sans conséquences pour cette population, en l’occurrence les jeunes qui sont les plus touchés. Il faut faire quelque chose pour faire cesser cela si on veut avoir une jeunesse en bonne santé pour insuffler le développement à notre pays.

La situation

La consommation de l’alcool par les populations ivoiriennes est un fait qui, de nos jours, n’étonne plus. Les occasions ne manquent pas pour le faire : retrouvailles entre amis, fêtes, cérémonies traditionnelles comme modernes, etc. La bière, le vin, les liqueurs et autres spiritueux y passent. La jeunesse n’est pas en marge de cela. Elle est même la frange de la population la plus active dans cette consommation d’alcool. Et c’est chez cette catégorie de la population que les abus sont nombreux et où l’alcool cause des dégâts.  

Qui sont ces jeunes qui raffolent de l’alcool ?

Ils sont élèves, jeunes déscolarisés, étudiants, hommes de métiers, etc. Parmi eux, on trouve également des fonctionnaires ou des travailleurs du privé. D’autres encore se ‘’débrouillent’’ comme on le dit couramment, pour dire qu’ils font de petites activités génératrices de revenus. Une autre catégorie de ces jeunes, née depuis l’avènement du couper-décaler de Douck Saga s’adonne à ce qu’on appelle le ‘’broutage’’ pour avoir de l’argent. Cette activité consiste à arnaquer des personnes sur internet, surtout des occidentaux, même si des africains n’y échappent pas, en usant de ruses et flatteries. Ils investissent les bistrots et autres tables des vendeurs et vendeuses de ces boissons, dans tous les quartiers et communes de la ville d’Abidjan et même de l’intérieur du pays.

Lire aussi : Côte d’Ivoire, les boissons frelatées envahissent le marché

A quels moments consomment-ils cet alcool ?

Pour ceux qui travaillent, après le boulot, on se retrouve dans les bistrots pour ingurgiter de l’alcool dans l’organisme, à la recherche de sensation forte. D’autres, sans emplois, y passent toute leur journée. Certains parmi eux dorment même sur place. Ces cabarets sont pour la plupart construits avec des matériaux de récupération ou des matériaux de qualité inférieure. Les tenancières ou tenanciers y tiennent quelques fois des restaurants pour permettre à leurs clients de s’alimenter sur place. Les boissons altérées circulent à volonté dans ces endroits, où surgissent des sujets à débats qui font appel à la passion. Il n’y est pas rare de voir des discussions sur des sujets politiques ou sur le sport. On verra les partisans de Leonel Messi défendre bec et ongle qu’il est meilleur que Cristiano Ronaldo et vice-versa, surtout au lendemain d’un match important de la Champions League européenne. C’est pareil au plan politique lorsqu’une actualité fait la ‘’une’’. Les bagarres sont courantes entre ces jeunes au fanatisme débordant.

Crédit photo : Arcel Boussou

Le « koutoukou », ce produit tant prisé

Le « koutoukou » est le principal produit de cette catégorie de boissons frelatées que consomment les jeunes. Le « koutoukou, liqueur artisanale aux nombreuses appellations en Côte d’Ivoire : Gbêlê, Fer, Margué, Koundjadjo, Akpê, Aka Bernard, Kpayôrô, etc., est fabriquée de façon artisanale par fermentation de certains produits tels que le vin de palme, les jus d’ananas ou de la canne à sucre, etc., et est beaucoup consommée par toutes les couches de la population, y compris les jeunes. Son absorption a des effets nocifs sur la santé des jeunes et les conduit à une sorte d’addiction pour certains. Son taux d’alcool n’est pas connu et pourtant le ‘’koutoukou’’ est très prisé par cette frange de la population, surtout ceux qui sont sans emploi. Les cabarets sont nombreux dans la ville d’Abidjan ainsi que dans les autres villes du pays. Nos villages et campements ne sont pas en reste. On voit des buvettes proposer une pléthore de variétés de cette boisson aux appellations autant originales qu’étranges : « tout blanc », « jaune-amer », « 4 heures du matin », « déchirer caleçon », Sia Guéhi », etc. Les différentes qualités de ‘’koutoukou’’ auraient des vertus : aphrodisiaques pour certains, anti-hémorroïdaires pour d’autres. Tout ceci, en rapport avec les tiges, racines, fruits, poudres, etc., en un mot, en rapport avec les différents mis dans les bouteilles.

Qu’est-ce qui pousse les jeunes à la consommation du gbêlê ?

Ces vertus sont-elles les raisons qui poussent les jeunes à sa consommation ? Pas sûr. Pour nous, la première cause est l’oisiveté même si sa consommation n’est pas l’apanage des sans-emplois. Ils y vont d’abord avant d’être informés de ses vertus. On organise même des concours pour savoir qui est le meilleur buveur de ‘’koutoukou’’ dans plusieurs quartiers. On consomme sans modération cet alcool qui après, détériore la santé. Il faut dire que cette boisson ne coûte pas cher. Avec 100 CFA (cent francs), tout le monde peut s’offrir une tournée. Ce peut être une des causes de sa grande consommation par les populations ivoiriennes. Et ses effets sont immédiats, l’état d’ébriété, l’euphorie qui poussent des fois les jeunes à poser des actes répréhensibles.

Plusieurs autres boissons frelatées ou boissons de contrebande, en concurrence chez leurs consommateurs

A côté du ‘’koutoukou’’, il faut noter l’existence de sachets de liqueur, des canettes de bières, de cartons de vins tous moins chers, dont on ne sait les origines et les taux d’alcool qu’ils contiennent. Il faut dire que le pays a interdit la vente de ces boissons. Malgré cela, on voit aux abords des rues, des vendeurs et vendeuses de cigarettes les commercialiser dans une impunité totale. Il se raconte que la drogue circulerait également qu’à ces points de vente de ces boissons prohibées. Ces sachets et canettes d’origines douteuses ont les mêmes effets que le ‘’koutotukou’’. On ne sait pas si les dosages marqués sur les emballages sont exacts. La plupart de ces produits sont importés de certains pays voisins ou sont localement fabriqués par des entreprises clandestines. Cela dénote de la porosité de nos frontières. Comment ces produits qui sont interdits de vente arrivent-ils à passer les contrôles aux frontières pour se retrouver sur les marchés, au vu et su de tout le monde, y compris les autorités ?

De nombreuses conséquences désastreuses suite à la consommation de boissons frelatées.

Une fois le stade de l’addiction atteint, certains jeunes sont méconnaissables. Ils n’arrivent plus à se laver, ils ne mangent plus correctement, ils ne rentrent plus à la maison et d’autres dorment même dans les cabarets ou dans les rues ou encore, dans les marchés. Le ‘’koutoukou’’ et ces autres boissons de contrebande ont des effets semblables à ceux de la drogue sur les jeunes. D’autres, au contact de personnes de mauvaises moralités qui les y entrainent, deviennent des voleurs, des bandits.

Ces boissons frelatées causent de nombreux décès chez les jeunes. En mai 2016, au moins trois jeunes sont décédés après avoir consommé de l’alcool frelaté, le « koutoutou » ou « gbêlê », dans la région d’Aboisso. En 2020, ce sont neuf (9) personnes qui sont décédées à Abobo, dans une commune d’Abidjan, après avoir consommé de l’alcool frelaté.

On cite de nombreuses maladies causées par la consommation de ces boissons. Il s’agit notamment de troubles du cerveau, des troubles respiratoires, de la cécité, etc.

Voir aussi : Côte d’Ivoire, l’alcool frelaté, un tueur silencieux au vu et au su de tous

Comment lutter contre la consommation de l’alcool frelaté ?

Si rien n’est fait pour mettre de la rigueur dans leur interdiction et leur répression, la jeunesse ivoirienne, qui doit se mettre au travail pour construire son pays, va à sa perte et se dirige tout droit dans le mur.

Pour lutter efficacement contre la consommation de ces produits :

Il faut encadrer la production du « koutoukou » ou tout simplement l’interdire. Il faut accentuer les contrôles aux frontières du pays pour empêcher que les boissons frelatées importées ne puissent entrer en Côte d’Ivoire.

Il faut démanteler les entreprises clandestines qui s’adonnent à la fabrication de ces boissons.

Il arrive que des agents de sécurité mettent la main sur des personnes en possession de boissons frelatées dans des opérations de sécurisation générale, comme cela a été le cas récemment du côté d’Anyama où une unité clandestine de fabrication de boissons de contrebande a été découverte. Mais il faut peut-être que le gouvernement planche véritablement sur la problématique de la consommation des jeunes, élèves ou non, chez qui les conséquences sont énormes, pour y apporter des réponses vigoureuses et surtout appropriées.

Lire aussi : Côte d’Ivoire, la police interpelle des élèves à Adjamé avec de la boisson frelatée

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Commentaires

AYMARD Yllah Like
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Beau texte… Je pense qu’il faut plus éduquer la jeunesse sur les maux dont ils peuvent être victime en consommant ses boissons dites frelatées.
C’est d’abord un travail consciencieux de leur parts, mais fait aussi dire que cela aussi arrive quand l’état n’a pas aussi une bonne politique pour la jeunesse qui est socle de l’avenir. le travail doit se faire à tout les niveaux, tant une prise de conscience personnelle, que l’intervention de l’Etat. 😊

Koffi Arcel
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Je suis entièrement du même avis que toi. L'Etat en premier doit faire en sorte que les jeunes aient des occupations saines en lui trouvant du travail. Ensuite c'est à l'Etat encore de sensibiliser les jeunes sur ce fléau en mettant devant les risques qu'ils courent en consommant ces boissons. Enfin, il faut que les jeunes eux-mêmes comprennent que leur vie est en jeu. Il doivent donc arrêter de s'adonner à la consommation de ces boissons frelatées.