Quand l’orpaillage clandestin tue la Côte d’Ivoire

Article : Quand l’orpaillage clandestin tue la Côte d’Ivoire
Crédit: Un ami fils et résident de Kokoumbo
1 novembre 2022

Quand l’orpaillage clandestin tue la Côte d’Ivoire

L’activité d’orpaillage, bien qu’interdite en Côte d’Ivoire est pratiquée depuis de nombreuses années. Elle cause de nombreux problèmes sur l’environnement et donc sur les populations. Il faut que le gouvernement se penche plus sérieusement sur elle pour sauver le pays de ces nombreux impacts négatifs.

L’orpaillage clandestin, une activité interdite

L’orpaillage clandestin, cette occupation qui consiste en l’exploitation artisanale, donc avec des moyens et outils rudimentaires des mines d’or, sévit dans plusieurs régions de la Côte d’Ivoire. Elle a récemment causé la mort de cinq jeunes gens, orpailleurs et non orpailleurs, à Kokoumbo après des affrontements entre les orpailleurs et les gendarmes. Il faut dire que l’orpaillage clandestin est interdit en Côte d’Ivoire.

Les évènements de Kokoumbo

Que s’est-il passé à Kokoumbo, cette ville du centre de la Côte d’Ivoire, ville natale du célèbre animateur de télé des années 1980 en Côte d’Ivoire, feu Roger Fulgence Kassi ?

Selon un communiqué de la Gendarmerie Nationale publié sur sa page Facebook, une unité de la gendarmerie, le Groupement Spécial de Lutte contre l’Orpaillage Illégal (GSLOI), spécialisée dans le démantèlement et la lutte contre l’orpaillage clandestin, en mission de démantèlement de sites occupés illégalement à Kokoumbo, a été prise à partie par les exploitants clandestins d’or, aidés par la population. Le bilan a fait état de 5 décès du côté des orpailleurs et de 22 blessés dont 06 gendarmes et 02 agents des Eaux et Forêts.

Cet article que je vous suggère évoque les opérations de démantèlement des sites d’orpaillages: https://www.aa.com.tr/fr/afrique/c%C3%B4te-d-ivoire-orpaillage-clandestin-plus-de-800-sites-d%C3%A9truits-en-10-mois/2601199)

Les autorités rencontrent les populations

Des missions ont ensuite été diligentées à Kokoumbo pour des rencontres avec les populations à l’effet d’expliquer le rôle de l’Etat dans la lutte contre l’exploitation clandestine des mines d’or. Elles ont également donné à la population des conseils sur le respect des lois de la République. Enfin, des dons ont été faits aux populations par certaines autorités administratives et politiques en guise de soutien, suites aux malheureux évènements.

L’orpaillage clandestin, une réalité dans plusieurs régions

Ce qui s’est passé à Kokoumbo est loin d’être un cas isolé dans notre pays. Plusieurs localités où l’orpaillage clandestin est pratiqué, connaissent ou ont connu ce type de drame lorsque les acteurs de ce business affrontent les forces de sécurité en mission de démantèlement des sites d’exploitations clandestines du métal jaune.

Une activité aux nombreuses conséquences désastreuses

L’orpaillage clandestin cause d’énormes problèmes au pays et plus particulièrement aux populations des villes ou localités où il se pratique. Ses conséquences sont de plusieurs ordres. Il tue la Côte d’Ivoire.

En dehors des cas de décès dus à ces types de réactions des orpailleurs et/ou des populations, on note des morts provoqués par les éboulements des galeries creusées à des profondeurs allant jusqu’à des centaines de mètres sous la terre. De nombreux cas d’éboulements sont signalés et lors de notre dernier séjour à Kocoumbo, au lendemain de ces évènements malheureux, des témoignages, recueillis auprès de résidents, font état de nombreux décès par semaine, dus à ces accidents de travail.

La contamination des cours d’eau par des produits dangereux tel que le mercure

Une autre des conséquences que nous souhaitons mentionner est la dégradation de l’environnement naturel, l’écosystème. Les cours d’eau dans lesquels nos hommes lavent les minerais extraits du sous-sol reçoivent les déchets de ce travail, parmi lesquels le mercure et le cyanure, produits utilisés pour séparer le métal précieux des autres débris de la terre. Ces produits sont dangereux à la consommation et se retrouvent hélas dans des cours d’eaux utilisés par les populations villageoises riveraines pour leur besoin quotidien, notamment pour faire la cuisine et même pour boire. Il y a en outre la pêche dont les produits tels que les poissons deviennent des poisons pour la consommation.

Pour des informations précises sur la contamination des cours d’eau, regarder cette vidéo qui parle des effets des produits chimiques utilisés dans l’orpaillage sur le lac Kossou dans la région de Yamoussoukro: https://www.youtube.com/watch?v=ceVzVFtirOg)

Les terres deviennent incultivables du fait de leur dégradation

Les nombreuses galeries dans la terre la dégradent et mettent en danger les populations qui fréquentent les forêts où cela est fait, pour leurs cultures. Les risques de tomber dans ces trous sont énormes, mais surtout l’impossibilité pour les populations d’y pratiquer leurs cultures pour leurs survies devient problématique.

L’insécurité, la prostitution et les IST sévissent

Notons également qu’avec l’avènement de ce négoce dans certaines régions, l’insécurité apparait et sévit sur les routes car les chercheurs d’or, détiennent illégalement pour la plupart, des armes.

Il faut également évoquer la recrudescence de la prostitution dans ces villes, donc celle de son lot de conséquences directes telles que l’apparition des maladies ou infections sexuellement transmissives, mais aussi celle des maladies dues à l’inhalation de la poussière par les populations et principalement par les ouvriers eux-mêmes. 

La pénurie des produits vivriers, la déscolarisation des phénomènes consécutifs à l’orpaillage clandestin

Nous n’oublions pas le délaissement des occupations traditionnelles de nos populations paysannes, à savoir l’agriculture, au profit de l’orpaillage bien plus lucratif. Cela a pour conséquence le manque de vivres et donc leurs importations à partir d’autres régions productrices. Il va sans dire que les prix desdites denrées alimentaires augmentent, eu égard à la faiblesse de l’offre sur le marché et des coûts de transport. La pratique de l’orpaillage nécessitant l’utilisation du bois pour soutenir les parois des galeries creusées, elle met également à contribution la forêt qui se voit détruite. 

Soulignons aussi l’abandon de l’école par les élèves qui se tournent vers l’orpaillage pour avoir « l’argent  rapide ».

Lire cet article qui donne de nombreuses informations sur l’orpaillage clandestin et ses conséquences en Côte d’Ivoire.https://www.fratmat.info/article/87237/62/orpaillage-clandestin-l-or-qui-appauvrit)

L’Etat a-t-il laisser faire?

Nous savons pourtant que cette pratique existe depuis des dizaines d’années dans de nombreuses régions du pays. Nous nous demandons donc pourquoi le gouvernement l’a laissé prospérer depuis toujours sachant qu’elle est interdite.

Il est pourtant informé de son déroulement depuis ces nombreuses années.

L’Etat ivoirien, par le truchement de son gouvernement, a un grand rôle à jouer pour mettre fin à cette activité illicite.

La difficile obtention des documents pour exercer l’activité

A la question de savoir pourquoi les populations et les travailleurs de ce secteur n’ont pas d’autorisations pour exercer ce travail à Kokoumbo, nos interlocuteurs ont rétorqué que des demandes sont introduites auprès des autorités, notamment au ministère chargé des mines, et que cela dure depuis des années sans que ces autorisations ne leur soient délivrées. Ces documents seraient donc difficiles à obtenir.

On pourrait croire que la réalité de Kokoumbo est à étendre à l’échelle nationale d’autant que les autres régions du pays vivent les mêmes situations avec les forces de sécurité.

La solution des unités semi-industrielles préconisée en lieu et place des grandes entreprises minières

Je me suis aussi posé la question de savoir pourquoi le gouvernement lui-même ne permettait pas à des entreprises de s’installer dans ces régions pour des exploitations industrielles, qui pourraient générer des emplois directs. Un habitant qui vit et travaille à Bonikro, une sous-préfecture non loin de Kokoumbo et qui connait les mêmes activités, m’a répondu que cela se fait lorsque les estimations du sous-sol sont grandes et que Kokoumbo pourrait ne pas remplir cette condition. Il a plutôt préconisé des solutions intermédiaires telles que l’installation des unités semi-industrielles, qui sont autorisées dans certaines localités. Ces petites unités pourraient donc remplacer les grandes entreprises industrielles et permettre également aux populations locales de bénéficier des fruits de cette affaire dans la légalité.

Force doit revenir à la loi

Dans tous les cas, il faut que les populations de Kokoumbo, ainsi que celles des autres régions confrontées aux mêmes problèmes, se mettent en conformité avec la réglementation en la matière en se faisant délivrer les fameux sésames, leur permettant d’exercer dans la légalité auprès des autorités chargées de le faire, comme cela se fait ailleurs, dans d’autres régions qui connaissent les mêmes réalités. Laisser cette activité se mener telle que nous la connaissons actuellement reviendrait à accepter qu’elle continue à détruire la nature, et par conséquent, tout le pays.

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Commentaires

Andy Lopouabi
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Tu as vu juste de mener des investigations sur ce business qui représente un danger récurrent pour les populations vivant dans la
région de Kokoumbo, qui plus est, bien d'autres contrées ivoiriennes.

Belle plume qui met ici en exergue un travail emprunt de recherches profondes avec des propositions concrètes de solution face à l'omniprésence des décès et des portions de terres mouvantes à vie..

Koffi Arcel
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Merci pour ton appréciation de mon modeste travail cher frère. J'essaierai de tenir le cap chaque fois que je le pourrai.

GBAZIÉ Sidoly
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Excellent article.
L'orpaillage clandestin est un phénomène qui a pignon sur rue mais ça ne semble intéresser personne.
Si on n'y prend garde les conséquences multiples seront plus désastreuses dans notre pays.
Vivement une prise de conscience collective et surtout des autorités compétentes.

Koffi Arcel
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Tout à fait. Nos autorités doivent agir rapidement pour limiter les dégâts déjà énormes causés par cette activité.

Yves-Landry Kouamé
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Excellent billet sur un gros sujet ! Merci

Koffi Arcel
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Merci d'aimer le billet