San Pedro : j’y étais

Article : San Pedro : j’y étais
Crédit: BOUSSOU Arcel
28 février 2024

San Pedro : j’y étais

San Pedro, située sur le littoral ivoirien, se distingue par son port en eaux profondes, étant le point névralgique du transit de la précieuse production cacaoyère nationale. Cependant, malgré ses atouts indéniables, la ville nécessite un soutien accru pour initier pleinement son développement et déployer tout son potentiel.

San Pedro est une ville située au Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire. Pour y accéder, vous avez deux choix. Soit, vous empruntez la côtière, route dernièrement réhabilitée, idéale pour ceux qui partent d’Abidjan, Dabou, Lahou et autres, soit en passant par le tronçon Soubré-Méagui idéal pour ceux qui partent du Centre, de l’Ouest, de l’Est ou du Nord du pays en transitant par Yamoussoukro.

J’ai eu le privilège de résider à San Pedro pendant six mois, une période qui m’a permis d’observer la ville sous diverses perspectives. Au travers de cet article, je partage mes observations, mettant en lumière les deux principales voies nouvellement réhabilitées, les défis qui jalonnent la vie quotidienne des habitants, et les enjeux cruciaux qui attendent une ville en pleine expansion.

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Les deux voies incontournables nouvellement réhabilitées

Une fresque murale dédiée à la CAN
Crédit photo: BOUSSOU Koffi Arcel

La trame urbaine de San Pedro se dévoile à travers deux axes majeurs qui captivent l’attention dès l’arrivée. Le premier, issu du corridor en provenance de Méagui ou d’Abidjan, traverse la ville jusqu’à la gare, point nodal orné d’un grand rond-point. Incontournable, il constitue le carrefour central reliant les principaux quartiers tels que Séwéké, Zone, Cité, jusqu’aux zones du Lac, Francophonie, et Jules Ferry, culminant finalement au cœur du centre-ville abritant administrations, usines, commerces, et bien d’autres services publics. Le second axe, déployé en direction de Grand-Béréby et Tabou, traverse les quartiers populaires du Bardot et de Colas, dessinant une voie express avec ses deux fois deux voies récemment rénovées et arborant fièrement un marquage au sol. Les résidents attribuent cette rénovation à l’organisation de la CAN 2023, puisque San Pedro a accueilli le Groupe F, composé des équipes du Maroc, de la République Démocratique du Congo, de la Tanzanie et de la Zambie.

En dépit de ces axes principaux, il est à noter que la ville pâtit du manque de voies bitumées dans plusieurs quartiers, rendant leurs accès parfois difficiles. L’université de San Pedro et le Centre Hospitalier Régional (CHR), émergeant récemment du paysage urbain, sont desservis par la deuxième voie, issue du carrefour Timor, surnommé ainsi en hommage à un célèbre policier d’antan. Les infrastructures menant à ces établissements sont récentes, revêtues de bitume neuf et impeccable. San Pedro se distingue également par la richesse de ses institutions éducatives et sanitaires, englobant le CHR, un hôpital général, ainsi que des centres urbains de santé.

San Pedro une ville chère, une ville qui bouge

L’entrée du Centre Hospitalier régional (CHR).
Crédit photo: BOUSSOU Koffi Arcel

Ma deuxième observation porte sur le coût de la vie élevé dans la ville de San Pedro, ce qui lui a valu le surnom sans équivoque de « Sans Pitié ». Effectivement, les frais de logement atteignent des sommets, en particulier dans des quartiers tels que Francophonie ou Balmer. De même, les denrées alimentaires sont onéreuses, même avec la présence du port, les poissons se négocient à des prix élevés.

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Par ailleurs, j’ai constaté une effervescence constante dans la ville. Dès 4 heures du matin, les taxis sont disponibles, et dès 7 heures, les principaux carrefours connaissent une affluence significative, notamment pour l’utilisation des transports en commun, principalement les taxis. Cette dynamique contraste avec ce que j’ai observé à Bouaké, où les activités commencent généralement après 8 heures, et même les commerces ouvrent tard. Les arrêts des bus de la SOTRA sont désormais visibles dans la ville depuis décembre 2023, utilisés comme navettes pendant la Champion’s League des clubs féminins africains en novembre 2023, les matchs amicaux des Eléphants, ainsi que pendant la CAN 2023. Bien que ces mesures de sécurité, telles que la fermeture d’une voie de la route express lors d’événements sportifs, soient conformes aux normes établies pour la CAN, je trouve cela excessif. Des cortèges escortés par les forces de sécurité pourraient être une alternative plus fluide, évitant de perturber excessivement la circulation et les activités.

L’entrée de l’Université de San Pedro.
 Crédit photo: BOUSSOU Koffi Arcel

En outre, un aspect intéressant à noter est que la plupart des taxis à San Pedro fonctionnent au gaz. J’ai échangé avec un chauffeur qui m’a expliqué que si on les contraignait à utiliser du carburant, cela entraînerait une révision à la hausse de leurs tarifs actuels de 200 FCFA. À San Pedro, les taxis génèrent des recettes journalières oscillant entre 15 000 FCFA minimum et 18 000 FCFA maximum. Aux heures de pointe, ils préfèrent effectuer des courses courtes, refusant les trajets plus longs, ce qui peut être source de frustration pour les usagers qui, souvent, se tournent vers l’auto-stop. Il y a une concurrence active pour accéder aux taxis à San Pedro, similaire à celle que l’on peut observer à Abidjan, mais qui diffère de la situation à Bouaké.

San Pedro et ses problèmes : un « plan Marshall » pour la ville ?

San Pedro repose sur une terre argileuse, façonnée par de petites montagnes, des lagunes et des cours d’eau. La pluie rend les endroits glissants, tandis que la saison sèche laisse place à une poussière omniprésente. Les rues non bitumées accentuent ce problème, affectant particulièrement l’intérieur des habitations.

Bien que les plages de San Pedro soient magnifiques, l’accès à celles-ci est entravé par des routes dégradées, voire impraticables. Il est surprenant de constater que des lieux touristiques majeurs ne bénéficient pas d’infrastructures adéquates. Les routes actuelles ne rendent pas honneur à la renommée touristique de San Pedro.

La plage de Monogaga.
Crédit photo: BOUSSOU Koffi Arcel

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San Pedro fait face à des coupures fréquentes d’eau, principalement dans les nouveaux quartiers. Bien que la situation se soit améliorée dans certains quartiers après la CAN, d’autres secteurs, comme Digbeu, Baba, et Kassaraté, continuent d’utiliser l’eau des puits.

Face à ces défis, certains propriétaires offrent des forages à leurs locataires, parfois inclus dans les loyers. Des projets de construction d’un château d’eau sont en cours pour remédier à cette situation.

Aussi, un phénomène étonnant à San Pedro est la divagation fréquente des animaux domestiques dans la ville. Des troupeaux de bœufs peuvent être vus sur les voies publiques, une scène surprenante qui mériterait des mesures pour y remédier.

Expansion Urbaine et Nouvelles Infrastructures

La ville de San Pedro connaît une expansion significative avec la création de nouvelles écoles et de centres de formation, tels que le CAFOP. Les travaux pour l’antenne de l’École Normale Supérieure ont débuté, marquant une évolution majeure.

San Pedro nécessite d’importants investissements gouvernementaux pour moderniser la ville, avec une perspective de décentralisation. Ces initiatives visent à rendre la ville plus attractive pour les Ivoiriens, les investisseurs, les travailleurs, et les touristes.

Des projets de modernisation sont à l’étude pour offrir un avenir meilleur à San Pedro. La ville, en tant que plus grand port exportateur de cacao en Côte d’Ivoire, mérite des investissements conséquents pour développer pleinement son potentiel. Un « plan Marshall » pourrait être la clé pour doter cette ville dynamique des infrastructures qu’elle mérite.

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Commentaires

Namban Blaise SORO
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Tout y est et bien dit. Bravo docteur Arcel Boussou 🙏

Koffi Arcel
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Merci cher ami pour ton commentaire. Je suis reparti à Bouaké depuis le 1er mars. Merci pour ton amitié.